Faute inexcusable de l’employeur : vers la réparation intégrale des préjudices des salariés

-

Par deux arrêts du 20 janvier 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence, en permettant aux salariés obtenant la reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur d’être indemnisés au titre de leur déficit fonctionnel permanent et en facilitant l’indemnisation de leurs souffrances.

Les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle peuvent demander la reconnaissance de la faute inexcusable de leur employeur pour obtenir une meilleure indemnisation.

La faute inexcusable est caractérisée lorsque l’employeur avait, ou aurait dû avoir, conscience d’un danger pour la santé ou la sécurité de ses salariés et n’a pas pris les mesures nécessaires pour les en préserver. Le salarié qui démontre que ce manquement à l’obligation légale de sécurité de son employeur est à l’origine de son accident du travail ou de sa maladie professionnelle peut obtenir des dommages et intérêts devant la juridiction de sécurité sociale, en complément de l’indemnisation versée par l’assurance maladie (remboursement des soins et versement d’indemnités journalières puis d’un capital ou d’une rente d’incapacité permanente, à des conditions plus avantageuses que ceux servis en cas de maladie ou d’accident d’origine non professionnelle).

L’indemnisation consécutive à la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur a évolué dans le temps vers la réparation intégrale des préjudices du salarié victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle.

Le Code de la sécurité sociale prévoit limitativement l’indemnisation complémentaire : outre la majoration du capital ou de la rente d’incapacité permanente, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, des préjudices esthétiques et d'agrément, ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle (articles L 452-2 et L 452-3 du Code de la sécurité sociale).

Depuis une décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010 (Conseil Constitutionnel 18 juin 2010, n° 2010-8-QPC), les tribunaux considèrent que cette liste n’est pas limitative et que les victimes peuvent demander la réparation de l’ensemble de leurs préjudices non couverts par les indemnisations servies par l’assurance maladie.

Le déficit fonctionnel permanent, défini comme les atteintes aux fonctions physiologiques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales, était cependant toujours considéré comme couvert par la rente versée à la victime (Cour de cassation 2ème Chambre Civile 28 mai 2009 n° 08-16.829 ; 4 avril 2012, n° 11-15.393).

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation est allée jusqu’à exiger que la démonstration soit faite que les souffrances endurées par la victime, chef de préjudice pourtant expressément visé par le Code de la sécurité sociale, n'étaient pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent, lui-même compris dans la rente (Cour de cassation 2ème Chambre Civile 28 février 2013, 11-21.015).

Dans ses arrêts du 20 janvier 2023, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, après avoir précisé que cette jurisprudence antérieure était motivée par la volonté d’éviter une double indemnisation d’un même préjudice, constate d’une part le caractère forfaitaire de la rente au regard de son mode de calcul, et d’autre part que les victimes rencontrent des difficultés à prouver que la rente n'indemnise pas le poste de préjudice du déficit fonctionnel permanent.

Désormais, la rente d’incapacité permanente versée aux victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle n’est plus considérée comme réparant leur déficit fonctionnel permanent.

Par ailleurs et pour les mêmes motifs, la rente versée à la victime n'a pour objet ni pour finalité l'indemnisation des souffrances physiques et morales prévue à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale et une telle indemnisation n'est plus subordonnée à la condition de son absence de réparation par le déficit fonctionnel permanent.

Cour de cassation, Assemblée Plénière 20 janvier 2023 n°21-23.947 et 20-23.673

Commentaires

Rédigez votre commentaire :

<% errorMessage %>
<% commentsCtrl.successMessage %>
<% commentsCtrl.errorMessage %>

Les réactions des internautes

a réagi le

<% comment.content %>

  • a réagi le

    <% subcomment.content %>

Répondre à ce fil de discussion
<% errorMessage %>
Aucun commentaire n'a été déposé, soyez le premier à commenter !