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Aux termes de l’article L. 651-2 du code de commerce, "lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion".
Par ailleurs, si le tribunal prononce la faillite personnelle du dirigeant, il peut, en application de l’article L. 653-10 du code de commerce, prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective pour une durée égale à celle de la faillite personnelle, dans la limite de cinq ans.
Dans le présent arrêt, une cour d’appel apprécie les agissements d’un gérant de SARL dans la gestion de sa société en liquidation judiciaire, la constatation de graves fautes de gestion conduisant à une condamnation sévère de l’intéressé.
Action du liquidateur contre le dirigeant
Par jugement du 23 octobre 2018, le tribunal de commerce avait ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL Y… (activité de travaux de peinture, plâtrerie et carrelage) gérée par M. X…, son associé unique. Le passif antérieur déclaré, essentiellement composé de créances sociales et fiscales, s'élevait à la somme de 197 833,95 euros dont 100 000 euros à titre provisionnel tandis que la liquidation judiciaire ne comportait aucun actif réalisable ou créance recouvrable, le compte bancaire étant créditeur de 10 euros.
Le liquidateur judiciaire avait fait assigner M. X… en responsabilité pour insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 97 000 euros et aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans ainsi que son inéligibilité à toute fonction élective pendant cinq ans.
Jugé responsable, par ses fautes de gestion, de l'insuffisance d'actif à hauteur de 197 000 euros, M. X… avait été condamné à payer à la liquidation judiciaire une indemnité de 97 000 euros par jugement du 20 avril 2021, le tribunal ayant prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans et l’ayant déclaré inéligible à toute fonction élective pendant cinq ans. Considérant que les conditions légales de la mise en jeu de sa responsabilité n’étaient pas réunies, M. X… a contesté cette décision.
Soutenant, devant la cour d’appel, qu’il n’a commis aucune faute – tout au plus une simple négligence – et que, à les supposer établies, ces fautes n'ont pas de lien de causalité avec l'insuffisance d'actif, M. X… reproche également au tribunal de commerce de ne pas avoir statué au vu du rapport du juge-commissaire prévu à l’article R. 662-12 du code de commerce.
Ce dernier point est sans incidence pour la cour d’appel : si le tribunal statue sur le rapport du juge-commissaire pour ce qui concerne notamment l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif et la faillite personnelle, le défaut de rapport du juge-commissaire emporte la nullité du jugement ; mais, l'annulation ne touchant pas l'acte de saisine du tribunal, la cour demeure saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, conformément à l’article 562 du code de procédure civile, aucun texte ne lui faisant obligation de se décider elle-même au vu du rapport du juge-commissaire.
Fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture
Ayant rappelé que la responsabilité du dirigeant peut être engagée même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif, et sans qu'il y ait lieu de déterminer la part de cette insuffisance imputable à sa faute de gestion, la cour d’appel relève :
— l’absence de tenue de toute comptabilité, cela ayant pour conséquence d'opacifier la nature et l'étendue des flux économiques générés par l'activité sociale ;
— le non-respect des obligations déclaratives fiscales et sociales ;
— l’exercice du travail dissimulé et la soustraction aux obligations déclaratives et contributives sociales, d’où une aggravation frauduleuse du passif social au travers des majorations forfaitaires ;
— un abus de biens sociaux, par la prise en charge de dépenses personnelles de M. X…, ou de sociétés lui appartenant, par la SARL Y…, ces faits traduisant une volonté de disposer des biens sociaux comme de ses biens personnels, caractérisent une faute de gestion contraire à l'intérêt social.
Pour la cour d’appel, l'ensemble de ces fautes de gestion établies caractérisent de la part de M. X… une volonté de poursuivre, abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation dont le caractère déficitaire est avéré au regard du niveau des dettes fiscales et sociales accumulées pendant les trois derniers exercices, admises au passif, et aux résultats comptables reconstitués par le fisc, le gérant ayant, par sa gestion frauduleuse, masqué artificiellement les pertes sociales alors que la cessation des paiements était inéluctable. Ces fautes de gestion sont donc directement en relation avec l'insuffisance d'actif composée des créances fiscales et sociales, privant les créanciers sociaux de tout espoir de recouvrer leurs créances.
M. X… est condamné à payer au liquidateur la somme de 92 620 euros en réparation de l'insuffisance d'actif de la société Y…
Sanctions personnelles
— Faillite personnelle
Dès lors qu'il est établi que M. X… a "disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale et frauduleusement augmenté le passif de la personne morale", les juges du fond prononcent à son encontre une mesure de faillite personnelle de dix ans.
— Incapacité d'exercer une fonction publique élective
M. X… étant investi d'un mandat de conseiller municipal et des fonctions d'adjoint au maire au service de l'intérêt public, les juges du fond considèrent que "les faits de travail dissimulé, la soustraction aux obligations déclaratives sociales et fiscales, bafouant le jeu de la libre-concurrence en même temps que les principes de solidarité collective nécessaires à la cohésion nationale, revêtent une gravité particulière" justifiant qu’il soit prononcé à son encontre une incapacité d'exercer une fonction publique élective d'une durée de cinq ans.
Fautes de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif : responsabilité et faillite personnelle du dirigeant
Affaires - Commercial
14/01/2022
Dès lors que les graves fautes de gestion du gérant – par ailleurs investi d’un mandat de conseiller municipal – d’une SARL en liquidation sont directement en relation avec l’insuffisance d’actif, la responsabilité de ce dirigeant est engagée. Outre sa condamnation, en l’espèce, à supporter l’intégralité de l’insuffisance d’actif, la cour d’appel prononce la faillite personnelle du dirigeant (dix ans) et son incapacité d’exercer une fonction publique élective (cinq ans).
Par ailleurs, si le tribunal prononce la faillite personnelle du dirigeant, il peut, en application de l’article L. 653-10 du code de commerce, prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective pour une durée égale à celle de la faillite personnelle, dans la limite de cinq ans.
Dans le présent arrêt, une cour d’appel apprécie les agissements d’un gérant de SARL dans la gestion de sa société en liquidation judiciaire, la constatation de graves fautes de gestion conduisant à une condamnation sévère de l’intéressé.
Action du liquidateur contre le dirigeant
Par jugement du 23 octobre 2018, le tribunal de commerce avait ouvert une procédure de liquidation judiciaire simplifiée à l'égard de la SARL Y… (activité de travaux de peinture, plâtrerie et carrelage) gérée par M. X…, son associé unique. Le passif antérieur déclaré, essentiellement composé de créances sociales et fiscales, s'élevait à la somme de 197 833,95 euros dont 100 000 euros à titre provisionnel tandis que la liquidation judiciaire ne comportait aucun actif réalisable ou créance recouvrable, le compte bancaire étant créditeur de 10 euros.
Le liquidateur judiciaire avait fait assigner M. X… en responsabilité pour insuffisance d'actif à concurrence de la somme de 97 000 euros et aux fins de voir prononcer à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans ainsi que son inéligibilité à toute fonction élective pendant cinq ans.
Jugé responsable, par ses fautes de gestion, de l'insuffisance d'actif à hauteur de 197 000 euros, M. X… avait été condamné à payer à la liquidation judiciaire une indemnité de 97 000 euros par jugement du 20 avril 2021, le tribunal ayant prononcé à son encontre une mesure de faillite personnelle pour une durée de dix ans et l’ayant déclaré inéligible à toute fonction élective pendant cinq ans. Considérant que les conditions légales de la mise en jeu de sa responsabilité n’étaient pas réunies, M. X… a contesté cette décision.
Soutenant, devant la cour d’appel, qu’il n’a commis aucune faute – tout au plus une simple négligence – et que, à les supposer établies, ces fautes n'ont pas de lien de causalité avec l'insuffisance d'actif, M. X… reproche également au tribunal de commerce de ne pas avoir statué au vu du rapport du juge-commissaire prévu à l’article R. 662-12 du code de commerce.
Ce dernier point est sans incidence pour la cour d’appel : si le tribunal statue sur le rapport du juge-commissaire pour ce qui concerne notamment l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif et la faillite personnelle, le défaut de rapport du juge-commissaire emporte la nullité du jugement ; mais, l'annulation ne touchant pas l'acte de saisine du tribunal, la cour demeure saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, conformément à l’article 562 du code de procédure civile, aucun texte ne lui faisant obligation de se décider elle-même au vu du rapport du juge-commissaire.
Fautes de gestion antérieures au jugement d’ouverture
Ayant rappelé que la responsabilité du dirigeant peut être engagée même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif, et sans qu'il y ait lieu de déterminer la part de cette insuffisance imputable à sa faute de gestion, la cour d’appel relève :
— l’absence de tenue de toute comptabilité, cela ayant pour conséquence d'opacifier la nature et l'étendue des flux économiques générés par l'activité sociale ;
— le non-respect des obligations déclaratives fiscales et sociales ;
— l’exercice du travail dissimulé et la soustraction aux obligations déclaratives et contributives sociales, d’où une aggravation frauduleuse du passif social au travers des majorations forfaitaires ;
— un abus de biens sociaux, par la prise en charge de dépenses personnelles de M. X…, ou de sociétés lui appartenant, par la SARL Y…, ces faits traduisant une volonté de disposer des biens sociaux comme de ses biens personnels, caractérisent une faute de gestion contraire à l'intérêt social.
Pour la cour d’appel, l'ensemble de ces fautes de gestion établies caractérisent de la part de M. X… une volonté de poursuivre, abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation dont le caractère déficitaire est avéré au regard du niveau des dettes fiscales et sociales accumulées pendant les trois derniers exercices, admises au passif, et aux résultats comptables reconstitués par le fisc, le gérant ayant, par sa gestion frauduleuse, masqué artificiellement les pertes sociales alors que la cessation des paiements était inéluctable. Ces fautes de gestion sont donc directement en relation avec l'insuffisance d'actif composée des créances fiscales et sociales, privant les créanciers sociaux de tout espoir de recouvrer leurs créances.
M. X… est condamné à payer au liquidateur la somme de 92 620 euros en réparation de l'insuffisance d'actif de la société Y…
Sanctions personnelles
— Faillite personnelle
Dès lors qu'il est établi que M. X… a "disposé des biens de la personne morale comme des siens propres, poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale et frauduleusement augmenté le passif de la personne morale", les juges du fond prononcent à son encontre une mesure de faillite personnelle de dix ans.
— Incapacité d'exercer une fonction publique élective
M. X… étant investi d'un mandat de conseiller municipal et des fonctions d'adjoint au maire au service de l'intérêt public, les juges du fond considèrent que "les faits de travail dissimulé, la soustraction aux obligations déclaratives sociales et fiscales, bafouant le jeu de la libre-concurrence en même temps que les principes de solidarité collective nécessaires à la cohésion nationale, revêtent une gravité particulière" justifiant qu’il soit prononcé à son encontre une incapacité d'exercer une fonction publique élective d'une durée de cinq ans.
Pour aller plus loin
Pour des développements complémentaires, d’une part, sur la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif et, d’autre part, sur la faillite personnelle, se reporter aux nos 4752 et s. et aux nos 4827 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Pour des développements complémentaires, d’une part, sur la faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif et, d’autre part, sur la faillite personnelle, se reporter aux nos 4752 et s. et aux nos 4827 et s. de l’édition 2021 du Lamy droit commercial.
Source : Actualités du droit